Qu’il s’agisse de créer et entretenir des chenaux de navigation et des ports, ou bien de réaliser des opérations de remblaiement sur les plages, les maitres d’œuvre font régulièrement appel à des entreprises de dragage. Ces dernières facturent leurs services aux volumes qui sont extraits. D’où l’importance de faire contrôler ces quantités par un prestataire extérieur à l’entreprise qui réalise les travaux.
Cette évidence déontologique masque des enjeux et parfois des problèmes financiers qu’il est bon de rappeler.
Le coût de travaux de dragage varie selon beaucoup de paramètres : l’ampleur du projet, les frais de mobilisation des moyens sur le site, la profondeur de travail, la nature des sédiments ou la dureté des sols, les contraintes environnementales, la distance à franchir pour de la zone de dépôt, etc…
Si, pour les besoins de la démonstration, l’on considère un projet de dragage quelconque, qui consisterait à passer d’une cote de -10m à -12m LAT sur une superficie de 25 hectares de matériau modérément dur (UCS = 20 Mpa).
Cela représenterait environ un volume de 500.000m3 de matériaux à extraire. Pour un prix entre 15 et 25 euros du mètre cube, cela représenterait un projet d’environ 10 Millions d’Euros et, admettons, un mois de chantier.
Parallèlement, la mission de l’hydrographe se décompose en trois étapes. Le relevé bathymétrique « IN SURVEY » au sondeur multifaisceaux pour l’estimation des volumes avant le démarrage, le « CONTRÔLE CONTINU » pendant, et enfin le « OUT SURVEY » après travaux, qui permet de confirmer les objectifs, et ajuster éventuellement les volumes payables à l’entrepreneur.
Au cours de ces trois étapes, l’hydrographe est le garant de la réalité des travaux et de la juste rémunération de l’entrepreneur. Il a la responsabilité de contrôler :
1. Le respect du périmètre de la zone d’emprunt (dragage) et parfois de la zone de clapage (dépôt).
2. La gestion des sousprofondeurs de dragage, autrement dit les zones insuffisamment draguées car à une cote supérieure à la côte objectif, et pour lesquelles il est demandé à l’entreprise de les reprendre sans compensation financière.
3. La gestion des surprofondeurs de dragage, autrement dit les zones draguées à une côte inférieure à la cote objectif, et qui ne sont pas prises en compte dans le calcul des volumes extraits ouvrant droit à rémunération.
Le survey bathymétrique qui accompagne un projet d’environ 1 mois de dragage a un coût moyen qu’on estimera à 100.000 Euros. Au regard d’un projet de 10 Millions d’Euros, le coût de cette prestation représente donc environ 1% du coût total.
A ces frais il faut ajouter la rédaction des spécifications techniques des appels d’offres pour consulter les différentes entreprises de dragage, et qui sont préparés très en amont des travaux. Pour ce faire, les maitres d’œuvres doivent réaliser un état des lieux, qui en plus de la bathymétrie permettant de calculer les volumes à extraire, doit parfois inclure des investigations géotechniques, des échantillonnages et des mesures sur site pour les Études d’Impact Environnemental et Social.
Naturellement les exigences des projets sont toujours différentes. Mais pour un dragage d’entretien par exemple, le coût de ces prestations préliminaires n’excède généralement pas 50.000 Euros.
On comprend donc que notre travail est essentiel pour une gestion impartiale des projets de dragage, et toutes proportions gardées il représente une charge financière raisonnable.
Cependant, les opérateurs portuaires ou les administrations se heurtent parfois au problème de financement de 1% de la mission de contrôle, qui n’est pas budgétisée indépendamment des 99% que représentent les travaux de dragage.
Et donc, hélas, on observe encore des situations où la responsabilité de la mission de contrôle est déléguée à l’entrepreneur qui réalise les travaux de dragage. Non pas toujours par manque de rigueur déontologique, mais plus souvent parce que les mécanismes de financement du projet ne laissent pas d’autre possibilité au Maitre d’Œuvre.
Pour espérer voir les choses évoluer il ne nous reste alors que la pédagogie, la patience, et les blogs.
Raphaël PACOT
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